… ou comment empêcher les « gestes barrières » de devenir des barrières à l’autonomie

Lire sur les lèvres d’un interlocuteur masqué, respecter la distanciation physique sans voir les gens autour, se laver les mains régulièrement quand on bouge difficilement les bras… Tous ces gestes barrières, dont l’utilité est incontestable en cette période d’épidémie, ne sont pas sans poser des difficultés supplémentaires aux personnes vivant avec un handicap. Nous vous invitons à découvrir quelles sont ces difficultés et comment vous pouvez aider à les alléger !

Un déconfinement pour tous

Le 11 mai était une date très attendue en France par l’ensemble de la population, promesse d’un retour à la liberté. Mais à bien y regarder, cette liberté est-elle partagée par tous ? N’oublions pas que de nombreuses personnes handicapées vivaient déjà confinées avant le 16 mars. Comme le souligne Anne-Sarah Kertudo dans son article « Handicap: des millions de personnes confinées depuis des années » pour le club de Mediapart, « aller et venir en liberté n’a jamais été pour elles une évidence dans une société qui s’est construite sans intégrer leur existence. » Paradoxalement, celles-ci ne se sont jamais autant senties à égalité avec les autres que pendant le confinement national généralisé. Accès illimité à des spectacles, des conférences, des formations, des cours de sport, etc. sans jamais avoir à réserver de place spécifique, se confronter aux préjugés, risquer de se heurter à un transport ou un bâtiment inaccessible, quelle aubaine !

Les gestes barrières, de nouveaux obstacles pour les personnes handicapées

Aujourd’hui, les sorties sont libres, les magasins et les parcs ouverts, mais la menace de l’épidémie plane toujours. Les recommandations sont claires : port du masque, lavage des mains, distanciation physique. Ces gestes barrières ont prouvé leur efficacité pour freiner la propagation des virus. Attention à ce qu’ils ne deviennent pas des barrières à l’autonomie des personnes ayant un handicap !

À domicile ou à l’extérieur, les personnes aveugles ou malvoyantes ont souvent recours au toucher pour localiser les objets. Cette nécessité les expose donc plus que les autres à toucher des surfaces potentiellement contaminées par le covid-19. Se laver les mains régulièrement au gel hydroalcoolique ne pose heureusement aucune difficulté. Il en est tout autrement du respect de la distanciation physique dans les files d’attente ou les transports. Comment évaluer la distance ? Comment savoir si la file a avancé ? Comment respecter les marquages directionnels dans les stations de métro ? Comment faire comprendre à son chien guide qu’il ne faut pas s’approcher malgré les appels d’un congénère ? Ces questions incitent de nombreuses personnes déficientes visuelles à rester confinées.

L’allongement des files d’attente rebute aussi les personnes ayant des difficultés motrices ou des troubles de l’équilibre. Les gestes barrières comme éternuer dans son coude, se laver les mains régulièrement ou mettre un masque deviennent par ailleurs de vrais défis pour les personnes ayant peu de mobilité des membres supérieurs.

Pour les personnes sourdes ou malentendantes, c’est le port du masque qui engendre de nouvelles difficultés. Comment lire sur les lèvres de son interlocuteur lorsque la moitié de son visage est couverte de tissu ? Même si toutes les personnes ayant une déficience auditive ne pratiquent pas la lecture labiale, elles sont en revanche toutes très sensibles aux mimiques et expressions du visage pour décrypter les messages et les humeurs des autres. Plusieurs initiatives ont vu le jour dans le Monde pour créer des masques transparents. Mais entre l’épaisseur de la matière et la buée dégagée en parlant, ce qui semblait être une bonne idée s’avère finalement peu concluant.

Enfin, certaines personnes avec un handicap mental ou psychique se trouvent très perturbées par toutes ces nouvelles règles à respecter dans l’espace public. Elles ont besoin de créer de nouveaux rituels, ce qui peut prendre du temps et générer anxiété ou frustrations.

Alors, comment faciliter le quotidien des personnes handicapées ?

Nos formateurs vous livrent maintenant quelques conseils que vous pouvez appliquer pour faciliter l’autonomie et la liberté des personnes en situation de handicap dans cet espace public bouleversé :

  1. N’hésitez pas à proposer votre aide !
    « Bonjour, avez-vous besoin d’aide ? » Voici la manière la plus simple d’aborder une personne qui vous semble en difficulté. Garder vos distances reste de mise en cette période d’épidémie. Mais rien n’empêche de se parler. Votre interlocuteur saura ensuite mieux que personne vous expliquer ce dont il a besoin.
  2. Offrez la priorité dans les files d’attente.
    Libre à chacun d’accepter ou non votre offre. Mais vous avez de grandes chances que celle-ci provoque un grand soulagement, notamment pour les personnes déficientes visuelles ou celles qui ne peuvent pas rester debout longtemps.
  3. Enlevez votre masque si nécessaire.
    Les personnes sourdes, mais aussi celles qui maîtrisent mal la langue française ou éprouvent des difficultés de compréhension, apprécieront de voir votre visage lorsque vous vous exprimez. Il n’est bien sûr pas question de postillonner sur votre interlocuteur. Pensez à reculer d’un pas ou deux avant de vous démasquer et faîtes attention à ne pas toucher ni le masque, ni votre visage.
  4. Utilisez des gestes.
    Pour communiquer avec une personne sourde signante, l’idéal est de vous exprimer en langue des signes. Mais si vous ne maîtrisez pas cette langue, les gestes et les mimiques vous permettront de faire passer l’essentiel de votre message. N’hésitez pas à être créatif !
  5. Guider une personne déficiente visuelle au bras reste possible.
    Même si vous êtes très précis dans vos explications, il est souvent plus confortable pour une personne aveugle ou très malvoyante de prendre votre bras pour être guidée. Si elle vous en fait la demande et si vous portez tous les deux un masque, offrir votre coude ou votre épaule ne présente quasiment aucun risque. En cette période où on invite chacun à tousser et éternuer dans son coude, il est probable que les personnes déficientes visuelles préfèreront l’épaule. Vous pouvez ajouter un lavage des mains avant et après pour renforcer les précautions.

La crise sanitaire que nous traversons nous a montré que, lorsque nous sommes en danger, nous sommes capables d’adapter nos modes de vie. À Sarahca, nous formulons le souhait que les initiatives innovantes et élans de solidarité qui ont vu le jour pendant le confinement prennent encore plus d’ampleur après. Par notre comportement, nous sommes tous capables de construire un monde plus respectueux de chacun.

Lise Wagner, présidente de Sarahca

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